Attentats du 22 mars : quelques semaines plus tard. Conseils pratiques aux employeurs
Publication 26 avril 2016

Attentats du 22 mars : quelques semaines plus tard. Conseils pratiques aux employeurs

Quelques semaines après les attentats la plupart des victimes directes (ceux qui se trouvaient sur les lieux des attentats) ont été prises en charge tant au point de vue physique que psychique pour des souffrances qui sont malheureusement loin d’être terminées.

L’ampleur inhabituelle de ces événements dramatiques multiplie le nombre des victimes indirectes, habituellement limité à  la famille et aux amis des personnes impliquées. Non seulement de nombreuses personnes ont  été bloquées dans l’entreprise le mardi, ont été évacuées ou ont eu des difficultés pour rentrer chez elles ou pour aller chercher les enfants, mais on constate également que le battage médiatique qui a suivi a affecté de nombreuses personnes qui n’ont pas été prises dans le chaos de cette journée.

On peut véritablement parler d’un traumatisme sociétal d’autant plus aigu qu’il n’est pas le fait d’un accident ou d’une catastrophe naturelle mais bien d’actes volontaires d’une rare violence interpersonnelle.

Les traumatismes issus de violences interpersonnelles ont ceci de particulier qu’ils s’attaquent aux liens entre les individus. Méfiances et soupçons s’installent. Beaucoup évitent les lieux publics. Les déplacements en transports en communs sont redoutés. On constate le développement de nombreux amalgames, y compris sur le lieu du travail où des collègues jusqu’ici appréciés sont l’objet de méfiance voire de rejets sur la base de leur appartenance culturelle. Aux symptômes habituels du traumatisme s’ajoute donc une détérioration des relations sociales nuisible à l’accomplissement des missions de l’entreprise.

Le rôle primordial de l’employeur et de la ligne hiérarchique directe

Le rôle de l’employeur est primordial dans le soutien institutionnel et pour le rétablissement du lien au sein de l’entreprise.

Au cours des heures et des jours qui ont suivi les attentats, vous avez multiplié les aides pratiques en recensant tout le personnel, en répondant aux questions, en organisant le retour à la maison du personnel bloqué, en adaptant les modalités de travail au niveau 4, en relayant les demandes de soutien vers la DRH ou Cohezio …bref vous avez été présent et soutenant pour le personnel.

Que devez-vous à présent faire pour favoriser le bien-être de votre personnel et maintenir le lien nécessaire à la bonne marche de l’entreprise ?

Au niveau du groupe, vous devez être attentif aux malaises qui pourraient éventuellement s’installer dans les relations de travail au sein de vos équipes, aux conflits, au manque de communication et de collaboration, aux non-dits et aux rumeurs…  Il importe, pour cela, de conscientiser les responsables hiérarchiques directs et de s’appuyer sur eux.

Que faire ?

Un bon moyen de restaurer la communication et le lien consiste à organiser une session de soutien psychosocial. Le principe est de réunir les employés, sur base volontaire, et d’assurer un cadre et une modération favorable à l’expression des émotions et des points de vue. Cette approche nécessite l’intervention d’un professionnel et peut être assurée par Cohezio.

Au niveau individuel, vous devez reconnaître les comportements et attitudes qui indiquent des personnes potentiellement à risque au niveau traumatique.

  • Signaux possibles :
    • Les réactions traumatiques à court terme sont physiques (nausées, tremblements, hypertension, palpitations cardiaques…), intellectuelles (confusion, difficultés de concentration…) et émotionnelles ( peur, anxiété, tristesse, colère, irritabilité…).
    • Au stade actuel, les individus concernés sont confrontés à des réactions à moyen et/ou long terme. Les symptômes suivants doivent éveiller votre attention :
      • Physiquement : trouble du sommeil ; fatigue ou épuisement ; réactions de sursauts exagérés ; besoins augmentés de consommation d’alcool, de tabac, de café ou d’autres drogues.
      • Intellectuellement : présence de flash-backs ; troubles de la mémoire ; inattention et distraction ; avoir des « absences » ; faire des erreurs dans le travail.
      • Emotionnellement : isolement ; retrait de certaines tâches ou missions ; découragement ; colère ou rancœur ; sentiment d’insécurité ; émoussement affectif.
    • Ces réactions sont normales après un événement critique mais elles sont désagréables. Elles affectent les individus sur des modes différenciés selon leur personnalité et leur vécu antérieur. Il est souvent important de savoir que les individus qui ont été victimes d’agression dans le passé (ce dont vous n’avez peut-être jamais été informé) sont en général beaucoup plus affectés par les événements actuels.
    • Ces réactions normales peuvent rester stables dans un premier temps et diminuer dans les semaines qui suivent. Ce sera le cas pour la majorité de vos employés. Toutefois le risque existe que ces réactions augmentent et se produisent de plus en plus souvent. Des conséquences peuvent alors apparaître aux niveaux des relations familiales et professionnelles. Des soins adaptés et une période de repos peuvent être nécessaires.
       
  • Que faire ?
    • Les membres de la ligne hiérarchique et vous ne devez pas être des professionnels de la santé mentale pour faire preuve d’humanité. Ne vous empressez pas de déléguer directement votre soutien vers une aide professionnelle. Votre implication sincère aura beaucoup d’impact. Montrez-vous humain, proche et authentique et utilisez les conseils qui suivent (rôle des responsables hiérarchiques directs).
    • N’attendez pas qu’on vous demande de l’aide, proposez-là !
    • Prenez au sérieux ce qu’il s’est passé et les réactions. Ne minimisez pas.
    • Laissez exprimer les émotions et les questions sans juger et sans en forcer l’expression.
    • Consacrer votre temps et votre écoute à la personne.
    • Offrez votre aide pour des tâches concrètes et les questions matérielles.
    • Soyez tolérant et patient.
    • Demandez de l’aide si vous vous sentez dépassé par l’évolution de la situation ou si vous avez des questions. Votre intérêt sincère sera à coup sûr bénéfique pour le travailleur mais reconnaissez aussi vos limites en proposant une aide professionnelle.

Rappelons ici le numéro du département psychosocial de Cohezio :

02/533 74 88 (FR) – 02/533 74 44 (NL)


La prévention secondaire disponible

Sur demande, le département psychosocial de Cohezio organise une session de soutien psychosocial collectif en coopération avec l’employeur. Un suivi psychosocial individuel, est également proposé. L’intervention se limite habituellement à trois entretiens. Il s’agit de prévention secondaire des symptômes de stress, de stress post- traumatique, d’anxiété, d’angoisse, voire même de phobies. Ces interventions ont pour but de prévenir au maximum le développement  de symptômes plus importants et plus invalidants, entraînant souvent une incapacité de travail à plus ou moins long terme. Il ne s’agit donc pas d’une psychothérapie mais bien d’un accompagnement limité dans le temps.

Dans la plupart des cas, cette intervention professionnelle suffira sinon Cohezio s’efforcera de renseigner une prise en charge plus adaptée de type thérapeutique. Il s’agira alors d’une prévention tertiaire, qui n’est plus du ressort de Cohezio. Dans ce cas les symptômes sont déjà installés, parfois depuis longtemps et l’objectif de ce type d’intervention est de diminuer ces symptômes et de permettre une reprise aussi saine que possible du travail.

 

Source : Actuascan, avril 2016, n°3