Les bureaux assis-debout
Publication 26 janvier 2017

Les bureaux assis-debout

Rester trop longtemps assis est considéré comme un facteur de risque susceptible de provoquer des douleurs lombaires et d’affecter la santé en général. Le terme médical de « sitting disease » est relativement nouveau et est utilisé pour décrire les effets néfastes sur la santé, principalement sur le système cardiovasculaire, que présente un mode de vie sédentaire. Dans certaines professions telles que le travail au sein d’un call center, les employés administratifs restent assis plus de 90% de leur temps de travail.


Les bureaux assis-debout réduisent-ils le temps passé assis ?

Il a été démontré à plusieurs reprises que les bureaux assis-debout (= bureaux que l’on peut régler à des hauteurs permettant de travailler en position assise et debout) réduisent le temps total passé assis, mais pas toujours dans les proportions attendues. De manière générale, les utilisateurs de ces bureaux ont réduit le temps passé en position assise d’une heure par jour. (1)

Une étude menée en Suède, auprès de 131 opérateurs de call center, a démontré que la réduction moyenne du temps passé assis était de 5,3% du temps de travail (soit l’équivalent de 25 minutes sur 8 heures de travail). (2)

Après 4 semaines d’utilisation, les employés administratifs d’une entreprise américaine ont réduit le temps passé en position assise de 66 minutes en moyenne par jour. (3)

Après 3 mois d’utilisation, les employés d’une institution publique australienne ont vu leur temps passé assis baisser de 85% à 60% de leur temps de travail, soit une diminution de 102 minutes par jour. (4)

Existe-t-il des obstacles à l’utilisation effective de ces bureaux ?

Il ressort d’une étude australienne (4) que l’obstacle principal au travail en position debout était la facilité de réglage : les bureaux réglables manuellement étaient moins souvent réglés en position debout.

Quels sont les facteurs stimulant l’utilisation de ces postes de travail assis-debout ?

Les personnes présentant des troubles musculo-squelettiques ont tendance à travailler davantage en position debout (6). Les formations à l’usage de ce type de bureaux engendrent également une légère augmentation de leur utilisation (6, 7). De même, les rappels (7) ont un effet positif sur la durée totale du travail debout. Il ressort d’une étude américaine (7), qu’après 3 semaines de formation et grâce à des rappels, le temps de travail passé en position debout avait augmenté de quasi une heure par jour. Les effets à long terme n’ont toutefois pas été rapportés.

Les recherches actuelles démontrent-elles vraiment l’utilité des bureaux assis-debout ?

De nombreuses études font état des différents effets bénéfiques de l’alternance de la position assise et debout : diminution des troubles musculo-squelettiques, baisse des douleurs dorsales et cervicales (3), réduction de la fatigue, dépenses énergétiques légèrement accrues pour un niveau égal de performance au travail (8). Toutefois, davantage d’études, menées à large échelle et étalées sur des périodes plus longues que celles sur lesquelles se basent la plupart des études existantes, sont nécessaires. Une mesure objective de l’activité physique/du temps passé debout et du temps passé assis pendant les heures de travail et les heures de loisirs est également requise (une étude a montré que travailler davantage en position debout avait en réalité pour effet de diminuer l’activité physique/le temps passé debout durant les heures de loisirs (5)). Une étude pilote randomisée contrôlée, intégrant toutes ces « lacunes scientifiques », est actuellement menée au Royaume-Uni (9). Cette étude vise à comparer l’introduction des bureaux assis-debout, assortie ou non de formations et de mesures organisationnelles. Par ailleurs, les recherches doivent analyser ou prendre en compte l’impact de certaines pathologies (comme les varices ou certaines affections du genou et de la hanche) pouvant constituer une contre-indication au travail debout.

Existe-t-il des mesures alternatives aux bureaux assis-debout ?

Le travail sur écran a des effets néfastes sur le système musculo-squelettique. Ces effets sont principalement dus à la diminution de l’apport de sang et d’oxygène dans les articulations et les muscles, ce qui provoque des crampes musculaires, conduisant au raidissement et au blocage des articulations et des muscles. Le travail en position statique (assis ou debout) provoquera des troubles musculo-squelettiques, même si l’on garde une position ergonomique parfaite et que l’on utilise le meilleur matériel ergonomique qui soit. Le bureau assis-debout n’est certainement pas la seule mesure possible dans le but de réduire les problèmes musculo-squelettiques. Il est nécessaire de faire des pauses régulières pour aller chercher un verre d’eau ou une tasse de café. De même, il est recommandé d’interrompre son travail en y intégrant par exemple les activités suivantes :

  • Faire des photocopies ou aller chercher des documents à l’imprimante, aller voir un collègue pour discuter avec lui d’un problème au lieu de lui envoyer une dizaine d’e-mails incomplets qui ne résoudront rien.
  • Il est conseillé d’interrompre les longues réunions et formations ou d’équiper les salles de réunion et de formation de sièges de bureau ergonomiques pivotants.
  • Préférer les escaliers ou aller se promener sur le temps de midi sont d’autres mesures possibles.
  • Il faut encourager les gens à marcher davantage, tout particulièrement durant les déplacements domicile-lieu de travail, ce qui est d’autant plus efficace d’un point de vue temps que de se rendre dans une salle de sport loin de chez soi. Dans ce cadre, l’utilisation de podomètres semble recommandée.
  • Il est en outre conseillé de téléphoner debout (à l’aide du haut-parleur ou d’appareils sans fil). Il est également préconisé d’aménager des zones de lecture où il est possible de lire debout ou dans des chaises longues.
  • Certaines entreprises utilisent des logiciels de pause. Ces logiciels interrompent automatiquement le travail administratif, rendant impossibles l’encodage et la consultation de données à l’écran durant de courtes périodes pendant lesquelles des exercices physiques peuvent être présentés à l’écran.
  • Les technologies de reconnaissance vocale sur ordinateurs fixes et portables ou sur tablettes peuvent contribuer à diminuer les troubles musculo-squelettiques dus à la rédaction sur clavier de longs rapports.
  • Le télétravail ou le travail à domicile permet de diminuer le temps passé assis durant les trajets, mais n’est toutefois pas envisageable pour tous les types de travail.
  • À l’avenir, les tablettes permettront de travailler avec des souris sans fil (il est déjà possible d’y connecter un clavier). Grâce à cet appareil très léger, il sera donc possible de travailler de manière dynamique à partir de n’importe quel endroit. Différents facteurs ne laissent toutefois pas entrevoir une évolution immédiate vers cette manière de travailler.

Conclusion

L’introduction de bureaux assis-debout conduit en moyenne à une réduction modérée ou modeste du temps passé assis durant les heures de travail. Ce type de bureaux peut avoir des bienfaits pour la santé. Certaines études ont démontré qu’ils induisent une fatigue moins importante, une meilleure perception de sa santé et une diminution des troubles musculo-squelettiques (douleurs cervicales et dorsales). Il y a toutefois certains obstacles à l’utilisation effective de ces bureaux. Les bureaux assis-debout réglables manuellement s’avéreront certainement moins efficaces. L’introduction de postes de travail assis-debout aura une plus grande efficacité si elle s’accompagne de formations ou de rappels. Il est également nécessaire de prévoir des mesures alternatives visant à réduire les longues périodes de travail en position statique (assis ou debout). Il semble que davantage d’études, menées à large échelle et étalées sur des périodes plus longues que celles sur lesquelles se basent la plupart des études existantes, soient nécessaires. Les recherches doivent également prendre davantage en compte l’impact de certaines pathologies se révélant être de possibles contre-indications au travail debout.

Dr Mathieu Versée,
Médecin du travail - Médecin du sport Cohezio

Sources

  1. Chau et al. 2010. Are workplace interventions to reduce sitting effective? A systematic review. Prev Med 51: 352-356.
  2. Straker et al. 2013. Sit-stand desks in call centers: associations of use and ergonomic awareness with sedentary behavior. Appl Ergon 2013; 44(4): 517-22.
  3. Pronk et al. 2012. Reducing occupational sitting time and improving worker health: the take-a-stand project, 2011. Prev Chronic Dis 2012; 9:110323
  4. Grunseit 2013 “Thinking on your fee”: A qualitative evaluation of sit-stand desks in an Australian workplace. BMC Public Health 2013; 13(1):365.
  5. Alkhajah et al. 2012. Sit-stand workstations: a pilot intervention to reduce office sitting time. Am J Preve Med 43: 298-303.
  6. Wilks et al. 200. The introduction of sit-stand tables: aspects of attitudes, compliance and satisfaction. Appl Ergon 37: 359-365.
  7. Robertson et al 2013. Office ergonomics training and a sit-stand workstation: effects on musculoskeletal and visual symptoms and performance of office workers. Appl Erg 44: 73-85.
  8. Straker, Matthiassen 2009. Increased physical work loads in modern work – a necessity for better health and performance? Ergonomics 52: 1215-1225.
  9. Hall et al. 2015 BMC Public Health 2015. Epub 2015 Feb 15

 

Publié dans Actuascan, janvier 2017, n°1.